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21 novembre 2010

glou glou...

L'affaire Karachi refait surface !

Roman-photo de cette saga qui a débuté en 1993.

Les récentes déclarations des familles des victimes sur les attentats meurtriers de Karachi mettent en cause trois personnalités politiques, N. Sarkozy, J. Chirac et D. de Villepin, qui seraient mêlées, de près ou de loin, dans le versement de "rétrocommissions" de la vente de sous-marins français au Pakistan. Elles demandent que toute la lumière soit faite sur cette affaire, après les récents aveux de Charles Millon, alors ministre de la Défense, et les déclarations qui en découlent depuis une semaine. Retour sur cette affaire, avec ce résumé de l'article du Monde : Karachi, si vous avez raté un épisode, de Samuel Laurent.

http://www.lemonde.fr/politique/article_interactif/2010/11/17/karachi-si-vous-avez-rate-un-episode_1441429_823448.html


La vente de sous-marins au Pakistan


Tout a commencé en 1993. François Mittérkarachi_sous_marinand est président de la République et Edouard Balladur son premier ministre. La DCN (Direction des Constructions Navales) en concurrence avec l'Allemagne dans la vente de sous-marins au Pakistan, demande à la Sofma de bâtir un réseau d'intermédiaires au Pakistan en échange de 6,25 % du montant de la commande. Commission encore légale.

En 1994, la vente de trois sous-marins est sur le point d'être conclue. Deux intermédiaires entrent alors en scène, Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir, deux hommes d'affaires libanais, alors qu'ils ne se seraient que très peu investis dans la vente des sous-marins. Ils auraient été imposés par Renaud Donnedieu de Vabres, alors chargé de mission auprès du ministre de la défense F. Léotard.

Début 1994, une note, dans laquelle la direction du Trésor déconseille au premier ministre de conclure ce contrat qui sera signé à perte, évoque "la situation financière précaire du Pakistan". Pourtant, le Pakistan achètera pour 5,41 milliards de francs (826 millions d'euros) de sous-marins. La Sofma récupérera 6,25 % du total, soit 338 millions de francs. Quant à Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, il doivent percevoir, via leur société off-shore Mercor, 4 % de commission, soit 216 millions de francs.


Les rétrocommissions auraient financer la campagne d'Edouard Balladur

balladurNous sommes en pleine campagne présidentielle en France. La droite est engagée dans une lutte fratricide entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Celui-ci s'appuie avant tout sur deux fidèles : son directeur de cabinet, Nicolas Bazire, et Nicolas Sarkozy, ministre du budget et de la communication, qui copilote la campagne d'Edouard Balladur.

Le 26 avril 1995, 10 millions de francs sont versés sur le compte de campagne du RPR. Officiellement, il s'agit du produit de collectes organisées durant les meetings. Mais près de la moitié de ces 10 millions (un cinquième du total des recettes de toute la campagne) est constituée de billets de 500 francs.  Les juges soupçonnent que ces fonds proviennent des fameuses rétrocommissions. Une allégation démentie, le 10 novembre 2010 devant le juge Renaud Van Ruymbeke, par Renaud Donnedieu de Vabres. Le Conseil constitutionnel a validé ses comptes de campagne en 1995. Roland Dumas, qui le présidait à l'époque, dit n'avoir "pas le souvenir" du "moindre problème sur les comptes de campagne". Les rapporteurs du Conseil ont pourtant notifié par écrit, dans un rapport que Le Monde a pu consulter, plusieurs anomalies graves, dont le versement de ces 10 millions de francs en espèces. Une somme qui pourrait provenir de "rétrocommissions" : le reversement par les intermédiaires d'une partie de la commission qu'ils ont touchée sur la vente des trois sous-marins.


Jacques Chirac demande l'arrêt des versements

chiracArrivé au pouvoir, Jacques Chirac découvre ces ventes et les commissions. Il demande à son ministre de la défense, Charles Millon, d'enquêter à leur sujet. Celui-ci fait appel à la DGSE, et aurait même demandé la mise sur écoutes de son prédécesseur, François Léotard. Les conclusions de son enquête lui permettent, selon ce qu'il a déclaré au juge Van Ruymbeke, de conclure à l'existence de rétrocommissions. Fort de ce constat, Jacques Chirac décide en 1996 d'arrêter de verser les commissions dues aux intermédiaires. Un témoin du juge Van Ruymbeke, Michel Mazens, chargé à l'époque de négocier les contrats d'armement et en liaison constante avec le secrétaire général de l'Elysée, Dominique de Villepin, est envoyé auprès de la DCN pour annoncer la décision du chef de l'Etat. Son interlocuteur, Dominique Castellan, lui aurait alors déclaré que l'arrêt de ces paiements l'inquiétait, car il risquait de "faire courir des risques à ses personnels" à l'étranger.

Un mystère demeure : si les commissions ont été stoppées en 1996, pourquoi l'attentat n'est-il survenu qu'en 2002 ? Car, selon Libération, un flux d'argent aurait continué d'alimenter les comptes des deux intermédiaires, de manière officieuse jusqu'en 2001.


L'attentat et l'ouverture de l'enquête

attentat_karachiL'année suivante, le 8 mai 2002, un attentat frappe les chantiers de construction navale de Karachi. Un kamikaze jette sa voiture remplie d'explosifs contre un bus qui transporte des personnels français de la Direction des constructions navales (DCN), qui participent à la construction d'un sous-marin. Onze employés français et trois Pakistanais perdent la vie. L'attentat ne sera jamais revendiqué.

Marc Trévidic, l'un des deux juges de l'instruction de l'enquête, privilégie une piste : l'attentat serait la conséquence de l'arrêt du versement des commissions de la DCN. Il n'est pas le seul : un ancien agent de la DST (Direction de la sûreté du territoire), employé par la DCN pour enquêter sur l'affaire, exprime les mêmes soupçons dans un rapport baptisé "Nautilus". On peut notamment y lire : " Les personnalités militaires ayant instrumentalisé le groupe islamiste qui a mené à bien l'action poursuivaient un but financier. Il s'agissait d'obtenir le versement de commissions non-honorées, et promises par le réseau [Abdulrahman] El Assir lors de la signature du contrat de septembre 1994. " Mais ce rapport, écrit en 2002, ne sera jamais transmis à la justice par la DCN et restera secret jusqu'à ce que Le Point en révèle l'existence, en 2008.


Nicolas Sarkozy mis en cause

sarkoUn document de la police luxembourgeoise explique par ailleurs, qu' "une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises" et, "en 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission [illégale] pour payer des campagnes politiques en France". "Nous soulignons qu'Edouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR, dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua", ajoutent les policiers du grand-Duché. En France, la droite est unanime à se "scandaliser" de ces "amalgames". La gauche observe un silence prudent, mais réclame une commission d'enquête.

Interrogé sur ces allégations, en mars 2009, en marge d'un sommet européen Nicolas Sarkozy avait nié catégoriquement ces rétrocommissions, évoquant des allégations "ridicules", "grotesques", une "fable". Il s'en amuse, avant de se reprendre : "Je ne ris pas du tout. Karachi, c'est la douleur des familles, des trucs comme ça".

Le 18 juin 2010, le juge Trévidic confirme l'existence de "rétrocommissions illicites" en marge des contrats de vente de sous-marins. Suffisamment pour que l'avocat des familles des victimes de l'attentat, Me Olivier Morice, accuse : "Au plus haut niveau de l'Etat français, on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l'arrêt du versement des commissions", estime-t-il. Il dénonce par ailleurs l'attitude du parquet, qui, selon lui, refuse de donner au juge les moyens d'enquêter.


Le juge Van Ruymbeke peine à accéder aux dossiers

van_ruymbekeFin 2009, le député PS Bernard Cazeneuve avait obtenu la création d'une mission d'information parlementaire sur l'attentat. En avril 2010, M. Cazeneuve dénonce "les blocages absolus" qu'oppose l'exécutif à leur travail, en refusant notamment de déclassifier des documents.

Nouveau rebondissement fin août 2010 : les familles de victimes lancent une nouvelle plainte, pour faux témoignage, contre Jean-Marie Boivin, l'ancien administrateur de Heine, la société off-shore qui faisait transiter les commissions. La plainte conduit le parquet de Paris à  ouvrir une information judiciaire, confiée au juge Renaud Van Ruymbeke. Mais le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, accusé par les familles de victimes d'être proche de l'Elysée, refuse que l'enquête porte sur les accusations de corruption qui concernent les responsables politiques de l'époque, les estimant prescrites.

Le juge ne l'entend pas de cette oreille. Le 7 octobre, on apprend qu'il passe outre l'avis du procureur de Paris, Jean-Claude Marin. Estimant que les faits ne sont pas prescrits, il compte enquêter sur les rétrocommissions et leur possible retour en France pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995.

Fin mai, la mission d'information rend son rapport (consultable ici en pdf). Si elle juge toujours la piste islamiste "plausible", elle n'écarte pas pour autant celle des rétrocommissions. "L'absence de preuve ne signifie pas que de telles rétrocommissions aient été absentes du contrat mais rien pour l'heure ne permet d'étayer cette thèse", conclut le rapport. En novembre 2010, Charles Millon confirmera pourtant au juge Van Ruymbeke qu'il y a bien eu des rétrocommissions.

Une question demeure : pourquoi le Coaccoyernseil constitutionnel a-t-il validé les comptes de campagne d'Edouard Balladur si ceux-ci étaient entachés d'irrégularités ? Le juge Trévidic demande à consulter les archives des délibérations. Mais Jean-Louis Debré, l'actuel président du Conseil constitutionnel, renâcle. A une première requête de l'avocat des victimes, Me Morice, qui souhaite organiser une rencontre entre elles et lui début octobre 2010, il répond par la négative. Il explique par ailleurs au Monde qu'il "faudrait [qu'il y ait] une bonne raison pour rapatrier les archives" des délibérations de 1995. "Donc, en l'état, je ne vois pas comment tirer les choses au clair", conclut M. Debré. Début novembre 2010, Jean-Louis Debré refuse une nouvelle fois de divulguer le contenus des débats, cette fois au juge Van Ruymbeke. Dans un courrier, il lui oppose le "secret qui s'attache aux délibérations" du Conseil constitutionnel, s'appuyant sur l'article 63 de la Constitution pour estimer qu'il faut attendre vingt-cinq ans avant de rendre publics les débats entre les "sages". Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux, a pourtant garanti, à l'Assemblée, que le juge pourrait consulter ces archives. Même opacité du côté de l'Assemblée : Lorsque Marc Trévidic demande à consulter les auditions de la commission d'enquête de Bernard Cazeneuve, le président de la commission de la défense, l'UMP Guy Tessier, refuse sèchement. Le juge se tourne alors vers Bernard Accoyer.  Mais le président de l'Assemblée nationale refuse à son tour, arguant de la "séparation des pouvoirs" et de la confidentialité de ces auditions. Une plainte a été déposée contre lui par les familles de victimes pour "entrave à la justice".


Les déclarations des familles recréent le buzz et relancent l'affaire

familles_presse_karachiFace à cette opacité, les familles de victime adoptent une stratégie : engager des plaintes tous azimuts contre les responsables politiques de l'époque pour faire éclater la vérité. Elles portent ainsi plainte, suite au témoignage de Michel Mazens (voir épisode 2), qui a confirmé le rôle de Jacques Chirac et Dominique de Villepin dans l'arrêt du versement des commissions, contre les deux hommes, pour "homicide involontaire" et "mise en danger de la vie d'autrui".

Encore renforcé par ces refus répétés, le volet politique de l'affaire pourrait rebondir à nouveau. Mediapart révèle, le 17 novembre, le contenu de l'audition de Gérard-Philippe Menayas, ancien directeur financier de la DCN, par le juge Van Ruymbeke. L'homme fait des révélations troublantes : d'une part, que le montage opaque entre Heine, la DCN et d'autres sociétés-écrans, supposé servir au versement des commissions aux deux intermédiaires, passait par Cedel, société luxembourgeoise qui sera plus tard connue sous le nom de Clearstream.


Des relans de Clearstream

VillepinSurtout, Gérard-Philippe Menayas raconte comment, selon lui, Jean-Marie Boivin, Français naturalisé Luxembourgeois, proche du grand-duc et ancien dirigeant de Heine, l'une de ces sociétés-écrans, aurait tenté de faire chanter plusieurs hommes politiques. Estimant insuffisante l'indemnité qu'il avait reçue de la DCN, qui cessait ses activités avec lui, il aurait multiplié les courriers, adressés à "des responsables de l'Etat français, voire M. Sarkozy lui-même avant qu'il ne soit président". Il réclamait 8 millions d'euros et menaçait de "faire des révélations" sur les rétrocommissions. Toujours selon M. Menayas, qui possède des traces écrites de ses conversations, Jean-Marie Boivin aurait évoqué devant lui la visite d'anciens agents de la DGSE qui l'auraient menacé pour qu'il cesse ces courriers. M. Boivin se disait persuadé que ces hommes étaient envoyés par Nicolas Sarkozy. Il aurait fini par toucher une plus grosse somme, qui aurait servi à "acheter" son silence.

Ces révélations en cascade poussent le PS à demander la levée du secret défense sur ce dossier. La plainte contre De Villepin a depuis été retirée. Sarkozy prend peu à peu l'eau, mais lâche du lest, en promettant la transmission des dossiers. La semaine à venir risque de voir encore pas mal de rebondissements dans cette affaire... ou pas !

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